❄ 5@7 ❄ De bouche à oreille : raconte ta tempête !

Éco-motion et Temps publics ont tenu un 5@7 festif, le mercredi 30 novembre 2022, à Sherbrook. Il s’agissait d’une soirée d’échange entre les générations sur la crise du verglas – à la croisée des arts, de la santé des communautés et des changements climatiques.

Ariane Bourget et Camille Denêtre ont sillonné le Québec en quête de témoignages sur la crise du verglas, en vue de la création d’une œuvre commémorative, lancée à l’hiver 2023.

✨Qu’on ait vécu la crise de près, de loin, ou pas du tout… tout le monde était bienvenu-e ! ✨

À la croisée de la catastrophe climatique et du merveilleux, cet épisode bouleversant de l’histoire a marqué à jamais l’imaginaire des Québécoises et des Québécois. Rassembleuse d’abord par nécessité, la crise aura eu ce pouvoir surprenant qu’ont toutes les catastrophes : celui de catalyser la force et la résilience de nos communautés. 25 ans après, il nous semblait urgent de célébrer ces récits de solidarité prenant ancrage dans notre territoire et de les actualiser, à la lumière des changements socio-climatiques qui sont les nôtres, aujourd’hui.

Raconter, ça se fait à deux ! Les personnes qui venaient accompagnées de quelqu’un d’une autre génération (membre de la famille, ami-e, voisin-e…) se sont vues offrir un verre à titre de remerciement.

Les échanges ont été facilités et encadrés par nos équipes. Les participant-e-s se sont prêté-e-s au jeu, tour à tour à raconter, à écouter, à réfléchir…

…ET POUR BRISER LA GLACE…

En ouverture : Julien Carrière, comédien et grand improvisateur, est venu offrir un numéro d’humour, à travers des anecdotes croustillantes sur son expérience de la crise !

NOTRE PARTENAIRE RÉGIONAL

Le collectif Éco-motions accompagne les personnes et les organisations dans un processus d’adaptation face aux crises sociales qui découlent des changements climatiques. www.collectif-ecomotion.org

Pour en savoir plus sur le projet Chants du verglas, c’est par ici >>

On voudrait vous dire… au Centre des femmes de Saint-Laurent

La première expérience d’atelier-performance pour On voudrait vous dire… a été réalisée en collaboration avec le Centre des Femmes de Saint-Laurent, qui avait sollicité notre équipe. La demande était de faire un atelier de création et une prestation autour des délicates questions de la violence conjugale et des féminicides.

L’inspiration initiale est venue de la figure du bateau, évoquant la traversée du styx entre le monde des vivant-e-s et celui des mort-es-. Les membres du centre des femmes allaient alors réfléchir à la manière dont elles souhaitaient accompagner ces femmes disparues au fil de leur traversée. Qu’est-ce qu’on aimerait dire à ces femmes qui nous ont quitées? Et à celles pour lesquelles on s’inquiète? Et qu’en est-il de ces femmes qui restent derrière?

Katherine Rochon, organisatrice communautaire et artiste en résidence, avait en tête un travail autour de cages de diverses tailles. Nous avons proposé un atelier d’écriture et de fabrication de personnages. Les femmes ont écrit sur les vêtements de ces personnages que nous avons suspendus au parc Beaudet, comme partie intégrante d’une installation évoquant la voile et les cordages d’un bateau. Nous avons inauguré cette installation temporaire par une performance poétique et la lecture d’un poème collectif rassemblant les extraits des écrits des femmes, dans un collage textuel fait par notre équipe artistique.

Saguenay-Lac-Saint-Jean

Après avoir tenu l’atelier de médiation culturelle en virtuel auprès des femmes du comité Loge m’entraide, nous avons été fortement inspirées par la figure de la plante. Quel beau hasard de nous être retrouvées uniquement devant des femmes lors de cette rencontre extraordinaire! La sororité et la bienveillance entre les membres du comité et leur coordonatrice était palpable. En ressortait un certain sentiment de voir une équipe soudée dont les membres prenne soin les unes des autres, soin de leurs droits, soin de leur lutte commune. Comme on prend soin d’une plante qui pousse.

Cette métaphore revenait souvent dans les interventions des femmes, et nous avons commencé à développer avec elles une imagerie autour de celle-ci. D’abord, nous avons installé le début de la performance improvisée dans les jets d’eau d’une fontaine publique. Puis nous avons travaillé l’image de la femme-pot, portée par nos comédiennes tenant une grosse fleur devant leur visage, cachée par un pot installé sur leurs tête. Ensuite, nous avons travaillé l’outil de jardinage comme une arme redoutable, présentant les femmes et leur révolution comme une guerre potagère et mythique. Cet univers s’est aussi manifesté dans des bribes de texte: « On va planter de la solidarité. On va cultiver de l’égalité. On va faire pousser la lutte. On va faire fleurir des logements ».

Une fois cette dernière station de la tournée complétée, nous voilà prêt-e-s pour l’écriture de la pièce, en vue d’une représentation à Montréal en septembre 2021.

Abitibi-Témiscamingue

C’est à Rouyn-Noranda, accueillie par l’équipe de l’Association des locataires de l’Abitibi-Témiscamingue (ALOCAT), que notre équipe a mis en place son atelier de médiation culturelle. Nous avons été à même d’entendre des récits de recherche de logement absolument révoltantes. Cliques de propriétaires, listes noires, mépris de la classe politique…

Mais ce qui nous a bouleversé-e-s par-dessus tout, c’est encore et toujours ces enjeux de salubrité, dangereux pour la santé des locataires et de leurs enfants. Un personnage de mère monoparentale est né, bébé sur les épaules, grande fille qui joue au loin, pendant que la mère déclame pour elle-même une lettre à sa fille témoignant de ses inquiétudes.

Nous avons aussi construit une scène presque comique d’une personne qui tente d’appeler au Tribunal administratif du logement, mais qui se retrouve ensevelie sous les démarches administratives, le portail en ligne, les documents requis, le langage inaccessible… et qui abandonne.

Enfin, nous avons entendu une histoire incroyable d’une propriétaire qui, lors d’un conseil municipal, avait pris la parole du haut de sa stature avec manteau de fourrure et grand chapeau, afin d’exposer la TRÈS DIFFICILE réalité des pauvres propriétaires qui sont victimes de leurs locataires… une autre belle opportunité pour la comédie.

Ces improvisations ont été présentées autour de la fontaine de Rouyn-Noranda, afin de partager aux gens de l’ALOCAT ce que leurs témoignages nous avaient inspiré. Un grand merci pour l’accueil et à bientôt!

Quartiers de l’Est

C’est avec le BAILS Hochelaga et Infologis de l’Est de Montréal que nous avons rencontré de nombreux locataires de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.

Encore une fois, nous avons pu mesurer l’immense impact que peut avoir sur la santé physique et mentale la lourde charge de faire respecter ses droits. Une histoire en particulier au sujet d’une maman qui devait gérer son emploi, la moisissure dans son appartement, en plus des troubles aux poumons que cela causait à son fils, nous a particulièrement touchées. Une autre personne parlait de la discrimination et du harcèlement violent dirigé contre les personnes membres de la communauté LGBTQ2SIA+.

Mais au-delà des histoires spécifiques toutes plus révoltantes les unes que les autres, une constante s’imposait: le jeu du respect des droits est programmé pour qu’on y perde. Les dés sont pipés et il est impossible de s’y engager sans y laisser une part de soi. Nous avons choisi d’explorer cet aspect de la crise à travers le regard d’un enfant qui tente de jouer à un jeu avant de se rendre compte qu’il ne peut gagner sans tricher.

Merci aux comités logement pour leur accueil et la justesse de leurs interventions.

Comité Femmes et logement

Des partages pour le moins bouleversants, des histoires révoltantes, des injustices flagrantes: définitivement, les femmes ne l’ont pas facile quand il s’agit de logement. Nous avons travaillé sur le concept du chez-soi rêvé, en s’inspirant des guirlandes de souhaits (ou de prières) qu’on retrouve dans plusieurs cultures sur des morceaux de tissus colorés. Malgré la grande lumière qui émanait de nos échanges avec ces femmes extraordinaires, nous n’avons pu éviter de parler de sujets incontournables même si difficiles à aborder: agressions, intimidation, violence conjugale… Heureusement, la grande solidarité et la force extraordinaire de ces femmes nous a insufflé une lueur d’espoir.

Une phrase nous reste dans la tête et le coeur, suite à cet atelier: « Je m’aimepressionne ». Nous avons décidé de la prendre comme point de départ d’une improvisation musicale, lors de la performance du lendemain.

Une situation particulière nous a semblé absolument essentielle dans le travail de construction de personnages: celle de la voisine qui constate une situation de violence et qui se demande comment agir, comment aborder cet enjeu délicat avec celle qui vit juste à-côté d’elle. Il en a émergé une belle tendresse et une force insoupçonnée.

Merci aux femmes pour leur candeur et leur vulnérabilité. Vous êtes fabuleuses. On s’aimepressionne!

Quartiers du Nord

C’est dans notre petit studio préféré du quartier Villeray, le Studio Fleur d’asphalte, que nous avons accueilli les membres des comités logement de Saint-Léonard, Villeray, Ahuntsic et Montréal-Nord. Le groupe était exclusivement composé de femmes, alors il était tristement évident que les question d’abus, de harcèlement et d’agression sexuelle seraient à l’avant-plan des échanges. Les femmes nous ont partagé de nombreuses histoires d’intimidation et de droits bafoués, avec une candeur et une générosité désemparente. Plus nous discutons avec les différents groupes, plus nous réalisons que les tactiques employées par les propriétaires pour « faire des affaires » dans le monde du logement résidentiel sont les mêmes: faire appel à un concierge pour se déresponsabiliser, utiliser la peur, la violence, l’intimidation, monter les locataires les un-e-s contre les autres, ignorer les demandes aussi longtemps que possible… On discute aussi des coopératives de logement et des projets rassembleurs, ainsi que de la force collective que les comités logement permettent de bâtir.

Notre présentation improvisée et interactive mettait en scène une émission de cuisine où on présentait la recette parfaite pour rentabiliser son investissement résidentiel, on y présentait notamment l’ingrédient secret: le concierge! Ce dernier reprenait différentes phrases rapportées par les locataires afin d’intimider et de soumettre une locataire qui tentait de se frayer un chemin parmi les mots qui bordaient les couloirs d’un labyrinthe tracé au sol à la craie. La locataire racontait à une amie au téléphone, qu’elle aurait besoin de venir dormir chez elle avec ses enfants, qu’elle ne se sentait pas en sécurité là où elle vivait.

Lors des reprises avec le public, nous avons retravaillé le rapport entre concierge et locataire sous la forme d’un cercle tracé au sol à la craie. Le concierge n’utilisait plus de mots, mais s’exprimait plutôt en gromelots. Il effaçait en grognant de ses grosses bottes les parois du cercle que la locataire s’empressait de retracer. Cette image a beaucoup parlé au public, et nous la conserverons certainement. Merci à tout le monde de leur précieux regard et de leurs partages.

Ex-aequo

La rencontre avec les militant-e-s du groupe Ex-aequo a été particulièrement riche. Nous avons eu l’occasion d’entendre parler de problématiques du logement spécifiques aux personnes vivant avec un handicap. Un des éléments qui est revenu à plusieurs reprises dans nos discussions, c’est le sentiment d’être constamment dépendant-e de l’aide et de la bienveillance des autres. Les membres du groupe ont exprimé avoir besoin d’indépendance. Malheureusement, lorsqu’un logement n’est pas adapté, il est perpétuellement nécessaire de demander à des proches de se mobiliser pour nous apporter de l’aide dans les activités du quotidien. Un enjeu très récurrent est aussi la taille des logements. Il semble que la grande majorité des logements accessibles aux personnes vivant avec un handicap ne soient pas conçus pour des familles.

Pour l’improvisation, qui s’est tenue à Rêvanous, lieu symbolique de ce à quoi on peut aspirer quand on se mobilise collectivement, on a voulu revenir sur cette notion de parcours du combattant aux obstacles sans fin au moyen d’un labyrinthe tracé à la craie. Notre personnage locataire regardaie les gens circuler librement sur la surface asphaltée, alors qu’elle devait se faufiler à travers les étroits corridors de la figure. Nous avons choisi de transposer le handicap comme un grand bac de recyclage sur roulettes. Au fil de nos discussions avec le groupe d’Ex-aequo, nous avions entendu l’envie des personnes qu’on les reconnaisse pour qui elles sont, et elles ne sont pas leur handicap. Le handicap est un élément qu’on porte avec soi, mais qui ne nous définit pas. Aussi, même si cet élément peut sembler lourd et difficile à trainer, voire même quelque chose de laid, il peut être la source de notre force, de notre résiliance, de notre beauté intérieure. Ainsi, du grand bac vert s’échappe une voix éthérée, un chant joyeux qui redonne courage à notre personnage. Le système rigide et discriminatoire, représenté par un homme bourru vêtu d’un manteau militaire, referme systématiquement le couvercle du bac pour étouffer le chant qui en émane. Le bac est gros, il ne passe pas bien dans les couloirs… mais en redessinant le labyrinthe, tout le monde arrive à y circuler.

Rive-Sud

C’est avec beaucoup de sincérité et de candeur que les locataires de Longueuil, Chambly et la Rive-Sud de Montréal nous ont partagé des expériences de harcèlement, de violence et d’intimidation sur fond d’insalubrité et de précarité. Notre équipe artistique voit ce combat vers la dignité comme un ring de boxe à camps très inégaux: c’est David et Goliath.

Un nouveau personnage fait son entrée dans notre univers: celui du concierge-boxeur. Sa présence installe l’aura de peur autour de l’entité propriétaire. Il est en quelque sorte le « bras armé » des puissant-e-s qui n’ont pas le temps (ou ne voient pas l’importance) d’ouvrir directement le dialogue avec les personnes qu’iels logent. Il devient plus simple de faire appel à ces employé-e-s qui héritent ainsi de la tâche ingrate de maintenir les ménages dans des situations vulnérabilisantes, insécurisantes, précarisantes, voire dangereuses.

Si nous avons choisi de verser dans la carricature pour cette improvisation spécifique, il n’en demeure pas moins que l’humanité (ou son déficit) chez ce personnage nous intrigue. Comment peut-on ainsi choisir d’ignorer les besoins criants des ménages qui nous interpellent pour avoir des conditions de vie décentes? Comment peut-on en venir à orchestrer un climat de peur dans tout un bloc?

L’équipe artistique a également été très touchée par la solidarité et l’espoir qui illuminait chaque témoignage, ainsi que la révolte devant des projets de développement immobiliers insensibles et imposants, juste en face de situations pour le moins inacceptables. Nous avons tenté d’explorer l’image du papier, de la rimabelle illustrant la force du nombre, mais aussi la matière papier qui permet une mise en image de ces personnes pliées, chiffonées, déchirées, qui pourrons par résilience reprendre leur forme, mais non sans traces.

Un immense merci à toustes les participant-e-s, ainsi qu’aux comités logement de la Rive-Sud.

Lanaudière

C’est au Musée d’art de Joliette que le comité logement de Lanaudière nous a accueillies pour l’atelier de médiation. En entrant, une exposition-hommage d’art autochtone nous rappelle la tragique histoire de Joyce Echaquan. Un rappel qui ancre notre activité dans la conscience des innombrables niveaux d’oppression et de privilège qui s’arriment à l’enjeu du logement. Dans la région, le taux d’inoccupation est de 0%. Zéro. Ça veut dire que personne ne peut emménager dans un logement, à moins que quelqu’un ne déménage. Plus de rareté que ça, c’est impossible, alors les propriétaires en profitent pour gonfler les loyers, exiger des cautions, refuser les familles… et faire des rénovictions, bien sûr!

Les locataires que nous rencontrons nous en apprennent davantage sur les matériaux inadéquats qui sont souvent utilisés pour construire des appartements, avec comme résultant un manque d’isolation thermique et sonore. Il est aussi question de bon voisinage, ainsi que de démarche auprès des instances institutionnelles pour empêcher une éviction. Au fil des témoignages, on en retient que les gens veulent de la tranquilité, de l’intimité, du silence dans leur chez-soi. La sainte paix, quoi! Ça semble difficile à trouver. Par ailleurs, la menace du déménagement est pesante, qu’il s’agisse d’évictions illégales, de hausses abusives, d’insalubrité, ou encore de communautés toxiques.

Nous choisissons donc d’explorer ce fameux et menaçant camion de déménagement. Avec notre fidèle Bête féroce de l’Espoir, notre bien-aimée van de tournée, nous tentons d’orienter l’improvisation autour de l’élément « camion »: comment créer la bulle d’intimité, et comment transposer les violations de cette intimité, dans l’environnement camion? On pousse un peu plus loin les explorations rythmiques du jam percussif, en utilisant aussi le véhicule comme instrument. La performance improvisée a lieu à Saint-Calixte, devant un complexe immobilier qui voit 40 de ses ménages porter plainte pour une hausse abusive qui est pourtant légale! On aborde donc la question de la mobilisation collective pour faire changer les lois injustes, et la figure de l’État-cowboy, avec son chapeau cheapette et ses discours de mononc’, émerge dans notre univers. Ce qu’on retient très fort de cette improvisation, c’est les craintes et les doutes qui viennent avec cette mobilisation, telle que nous l’ont décrite les membres de cette collectivité. Leurs impressions et leurs commentaires ont grandement enrichi la proposition initiale. Merci au comité Action-Logement de Lanaudière pour ces rencontres percutantes qui on marqué au fer rouge l’écriture de la pièce.